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à ſon Augmentation ? Mais, lorſque le Tems a fait ſentîr au Corps les Atteintes de la Dècadence, & que ſes Forces ſe ſont évanouïes, ſon Jugement n’a point d’Aſſiette certaine : ſa Langue n’eſt plus qu’un Interprete déréglé d’un Eſprit qui retourne à ſa prémiere Enfance ; &, dans ce même inſtant, la Cauſe ceſſant auſſi-bien que ſes Effets, n’eſt-il pas juſte de conclurre, que comme la Fumée s’évanouit dans l’Air, ainſi l’Ame par ſa Retraite n’eſt point éxemte des Loix de la Diſſolution[1].

Il eſt certain, que l’Ame eſt tellement liée avec le Corps, que, dès qu’il eſt travaillé par des Maladies violentes, elle reſſent auſſi des Inquiétudes cruel-

  1. Præterea gigni pariter cum Corpore, & unà
    Creſcere ſentimus, pariter que ſenescere Mentem ;
    Nam velut infirmo Pueri, teneroque vagantur
    Corpore, ſic Animi ſequitur Sententia tenuis :
    Indi ubi robuſtis adolevit Viribus Ætas ;
    Conſilium quoque majus, & auctior eſt Animi Vis.
    poſt ubi jam validis quaſſatum eſt Viribus Ævi
    Corpus, & obtuſis ceciderunt Viribus Artus,
    Claudicat Ingenium, delirat Linguaque Mensque :
    Omnia deficiunt, atque uno Tempore deſunt.
    Ergo diſſolvi quoque convenit omnem Animaï
    Naturam, ceu Fumus in altas Aëris Auras :
    Quando quidem gigni pariter, pariterque videmus
    Crèſcere ; & (ut docui) ſimul Ævo feſſa fatiscit.

    Lucretius de Rerum Naturâ Libr. III, Verſ. 445 & ſeqq.