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ment qu’il eſt privé de la Vie par la Ceſſation des Eſprits animaux.

Le Principe de la Connoiſſançe, ſoit dans les Hommes, ſoit dans les Bêtes, dépend ſi peu de quelques Parties de l’Ame ſenſitive ſéparées, ou de quelques Eſprits vitaux qui ſont diminuez du Tout, que l’on voit ſouvent des Hommes, & des Animaux, perdre des Membres tout-à-coup, & par conſéquent les Eſprits qui les animent, ſans s’en appercevoir ; ce qui n’arriverôit pas, ſi l’Intelligence étoît Une Dépendance abſolue des Eſprits vitaux, & qu’elle conſiſtât dans leur Quantité.

On rapporte, dit Lucrece, que la Fureur de la Guerre a donneé lieu à l’Invention de certains Chariots armez de Faux, qui, parmi la Chaleur, du Carnage, coupent ſouvent les Membres d’une Façon ſi précipitée, que leur Séparation ne les prive pas du Mouvement. On les voit palpitant à terre, tandis que la Promptitude du Mal rend l’Eſprit & le Corps inſenſibles à la Douleur ; & que quelquefois les Sens ſont tellement ſuſpendus par l’Adeur du Combat, que celui qui n’a plus qu’un Corps mutilé retourne au plus fort des Coups, oubliant qu’il n’a plus de Bouclier par la Per-