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qu’une Choſe puiſſe être contraire à ſoi-même. Car, comment peut-on accorder ce Combat perpétuel, qui ſe fait entre les Sens & l’Eſprit, c’eſt-à-dire l’Ame raiſonnable, & la ſenſitive, dans une même & ſimple Ame ? Je vois, dit l’Apôtre, dans mes Membres une autre Loi, qui répugne à la Loi de mon Eſprit. Et le Siſtême, qui admet l’Ame raiſonnable & la ſenſitive, n’eſt pas contraire, non-ſeulement à la Raiſon, mais même à la Religion. Les Théologiens ſoutiennent cette Opinion, mais ſous de Noms différens, lorſqu’ils diviſent notre Ame en Partie ſupérieure, & Partie inférieure. Vainement voudroit-on ſoutenir, que l’Homme, aïant deux Ames, pouroit donc ſubſiſter après la Deſtruction ou le Départ de l’une, puiſqu’aïant l’Ame ſenſititive ainſi que les Animaux, il pourroit vivre animalement. Je répons à cela, que Dieu a formé une telle Liaiſon entre l’Ame raiſonable & l’Ame ſenſitive, que, dès que la raiſonnable s’envole où Dieu l’appelle, la ſenſitive ſe détruit par la Diſſolution de ſes Parties. On dira peut-être, que les Animaux n’aïant qu’une Ame, il n’y a pas apparence que