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que les Cartéſiens me donnent une Raiſon probable, pour me montrer qu’un Chien, qui meurt de Triſteſſe ſur le Tombeau de ſon Maître, eſt inſenſible à l’Amitié & à la Compaſſion. Si Dieu a formé les Animaux de façon qu’ils évitent machinalement, & ſans crainte, tout Ce qui peut les détruire, pourquoi le Chien ne réſiſte-t-il donc pas à ce Mouvement de Triſteſſe, qui lui cauſe la Mort ? Pourquoi ne mange-t-il pas, & refuſe-t-il la Nourriture qu’on lui donne ? Pourquoi ſon Air morne & abbattu démontre-t-il ce qui ſe paſſe dans ſon Entendement ? En vérité, ſoutenir ſérieuſement, que les Animaux ne ſont que de ſimples Machines, ou des Plantes, c’eſt vouloir abuſer de la Licence du Paradoxe.

Si les Bêtes ont donc une Ame matérielle, le Sentiment n’eſt donc point incompatible avec la Matiere : elle en eſt donc ſuſceptible. Qui peut nier, que Dieu ne puiſſe, en la ſubtiliſant, & la purifiant, l’élever juſqu’au Dégré de Connoiſſance de l’Ame des Hommes ?