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Je vais continuer, Madame, d’éxaminer les Raiſons qui engagent le Pere Mallebranche à refuſer une Ame aux Bêtes. Comme vous voïez, qu’ainſi que tous les Cartéſiens, il ſoutient que la Matiere ne peut jamais recevoir la Perçeption, ni le Sentiment, il eſt obligé de priver entièrement les Bêtes de l’Ame ; car, s’il leur en accordoit une, il réſulteroit de ſon Siſtême, qu’elle ſeroit ſpirituelle, ce qu’aucun Philoſophe n’ôſeroit ſoutenir. Il eſt vrai, dit-il, que les Actions, que font les Bêtes, marquent une Intelligence : car, tout ce qui eſt réglé le marque. Une Montre même le marque. Il eſt impoſſible que le Haſard en compoſe les Roues ; & il faut que ce ſoit une Intelligence qui en regle le Mouvement… Enfin, tout ce que nous voïons que font les Plantes, auſſi bien que les Animaux, marque certainement une Intelligence… Mais, continue le Pere Mallebranche, cette Intelligence n’eſt point de la Matiere : elle eſt diſtinguée des Bêtes, comme celle qui arrange les Roues d’une Montre eſt diſtinguée de la Montre. Car, cette Intelligence paroit infiniment ſage, & infiniment puiſſante… Ainſi, dans les Animaux, il n’y a, ni Intelligence, ni Ame… Autrement, il