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puiſſe acquérir la Penſée, nous ne devons pas croire, que Dieu, par des Secrets qui nous ſont inconnus, ne puiſſe la lui communiquer. Ainſi, l’on en eſt toujours réduit à revenir au prémier Point, qui eſt de prouver que Dieu ne peut accorder la Penſée à la Matiere ; juſques à ce qu’on ait montré que le Pouvoir de la Divinité eſt ſi borné, qu’elle ne ſauroit rendre une Bête raiſonnable ; ſans changer l’Eſſence de ſon Ame, & lui en donner par conſéquent un autre : juſqu’alors, dis-je, on eſt en Droit de ſoutenir, qu’il n’eſt aucune Preuve évidente contre l’Immatérialité de l’Eſprit.

Il n’eſt rien de ſi plaiſant & de ſi fragile, que la Façon dont quelques Philoſophes ſoutiennent que Dieu ne ſauroit accorder la Penſée aux Bêtes. La Penſée, diſent-ils, eſt le Mode d’une Subſtance ſpirituelle. Or, l’Ame des Bêtes étant matérielle, Dieu ne ſauroit leur accorder la Penſée ; parce qu’il ne peut changerles Eſſences des Choſes. Mais, il n’eſt rien de ſi extraordinaire, que d’admettre pour Principe une Choſe conteſtée. Car, il s’agit uniquement de ſavoir ſi la Penſée ne peut être le Mode