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y a-t-elle révélé ? Non, répondent-ils : c’eſt par la Refléxion, que nous jugeons qu’il faut que l’Ame ſoit abſolument ſpirituelle. Nous voïons que la Matiere, quelque Déliée qu’elle ſoit, quelque Mouvement qu’elle ait, ne ſauroit être ſuſceptible du Raiſonnement, & de-là nous concluons, que l’Ame, qui raiſonne, n’eſt point matérielle. « Nous connoiſſons », dit Des-Cartes, « que, pour être, nous n’avons pas beſoin d’Extenſion, de Figure, d’être en aucun lieu, ni d’aucune autre Choſe qu’on peut attribuer au Corps ; & que nous ſommes, par cela ſeul que nous penſons[1] » Mais, il n’eſt rien de moins évident & de moins prouvé, que cela : car, l’on peut ſoutenir d’un autre côté, que nous ne connoiſſons que nous, éxiſtons, & que nous ne penſons, que parce que nous ſommes étendus ; c’eſt-à-dire, que parce que notre Ame, qui eſt matérielle, a là Faculté de penſer. Quoique nous ne comprenions pas, quelque déliée, quelque légère, que ſoit la Matiere, quelque Mouvement qu’elle ait, qu’elle

  1. Des-Cartes, Principes de Philoſophie, Livr. I, pag. 6.