Page:D’Argens - La philosophie du bon sens.djvu/393

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

térialité & de l’Immortalité de l’Ame, donne lui-même des Preuves très-foibles de l’une & de l’autre. L’Ame dit-il, étant une Subſtance qui penſe, doit être immortelle parce qu’il n’eſt pas concevable, qu’une Subſtance puiſſe devenir rien. Il faut recourrir à une Puiſſance de Dieu toute extraordinaire, pour concevoir que cela ſoit poſſible[1].

Je demande au Pere Mallebranche, pourquoi il eſt beſoin d’une Puiſſance extraordinaire de Dieu, pour qu’il permette & qu’il veuille, qu’une Subſtance, qui a eu un Commencement, ait une Fin ? Pour moi, je crois, (& je penſe que tout le Monde eſt de mon Sentiment, ) qu’il ne faut pas un Pouvoir plus grand, pour réduire à rien une Subſtance, que pour la créer de rien. Ainſi, ſi Dieu, en créant l’Ame, a voulu qu’elle eut une Fin, elle périra auſſi aiſément qu’elle a été créée. Le Pere Mallebranche pouroit répondre, que Dieu n’annéantiſſant point l’Ame, elle reſtera éternelle. Je conviens, que, ſi Dieu le veut, elle le ſera : mais, il reſte à prouver, que

  1. Mallebranche, Recherche de la Vérité, Livre IV, Chap VII, pag. 428.