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Nous ignorons parfaitement en quoi conſiſte la Penſée, & à quelle Eſpece de Subſtance Dieu a accordé la Faculté de penſer : & c’eſt borner la Puiſſance du Tout-puiſſant, que de ſe figurer, qu’il ne puiſſe pas donner quelque Sentiment, & quelque Perception, à de petits Corpuſcules de Matiere, qu’il crée, & qu’il unit enſemble, comme il le trouve à propos. Puiſque nous ſommes contraints, dit Locke, de reconnaître que Dieu a communiqué au Mouvement des Effets que nous ne pouvons jamais comprendre que le Mouvement ſoit capable de produire, quelle Raiſon avons-nous de conclurre, qu’il ne pourroit pas ordonner que ces Effets ſoient produits dans un Sujet que nous ne ſaurions concevoir capable de les produire, auſſi bien que dans un Sujet ſur lequel nous ne ſaurions comprendre que le Mouvement de la Matiere puiſſe opérer en aucune maniere[1] ?

Quelque fermes que paroiſſent dans leurs Sentimens les Philoſophes qui ſoutiennent avec aſſûrance, que Dieu lui-même ne peut communiquer la Vie & la Perception à une Subſtance ſolide ; peut-être ſeroient-ils moins

  1. Locke, Eſſai Philoſophique ſur l’entendement Humain, Livr. IV, Chap. III, pag. 687.