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auroit point de Mouvement, s’il n’y avoit point de Matiere : ainſi, ſelon ce Siſtême, l’Eſprit, qui n’étoit qu’un Mouvement, étoit une Suite néceſſaire de la Matérialité de l’Ame, & ne pouvoit être regardé comme un Etre diſtinct & indépendant de la Matière.

Lucrece, qui-croïoit, ainſi que tous les Epicuriens, la Mortalité de l’Ame, qui n’était ſelon eux qu’un Ramas d’Atomes ſubtils & déliés, diſtingue auſſi la Nature de l’Ame, & la Nature de l’Eſprit. Il faut voir, dit-il, en quoi conſiſte la Nature de l’Ame & de l’Eſprit[1]. Mais, il les fait tous les deux corporels : &, ſelon lui, l’Eſprit eſt fait de Principes très menus, ainſi que l’Ame.

Quant aux autres Philoſophes, qui ne ſe ſont point expliqués auſſi clairement que les Epicuriens, & qu’on dit avoir diſtingué l’Ame ſpirituelle & matérielle, je ſoutiens, qu’ils n’ont entendu par l’Eſprit incorporel, que le Mouvement produit par l’Ame, qu’ils croïoient matérielle. Eſt-il probable, que des Gens, qui donnoient un Corps

  1. Unde Animæ atque Animi conſtet Natura videndum. Lucretius Libr. I, Verſ. 132.