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que nous avons déjà une Conviction en nous-même, que de Rien il a créé un Etre penſant & intellectuel, bien plus parfait que n’eſt la ſimple Matiere, qui n’a aucune Connoiſſance, & qu’on ne ſauroit dire coëternelle avec Dieu, ſans donner dans une Erreur abſurde. Car ; tout ce qui eſt incréé eſt néceſſairement infini, puiſqu’il n’y a rien qui le puiſſe borner, ni limiter[1]. La Matiere étant donc coëternelle avec Dieu, il y a deux Infinis, Dieu & la Matière. A cette prémiere Raiſon, j’en ajoute une autre auſſî convaincante. Si la Matiere étoit incréée, Dieu ne pourroit la détruire, puiſqu’une Choſe incréée ne ſauroit avoir aucune Fin. La Divinité ne ſeroit donc pas toute-puiſſante, & la Matiere ſeroit indépendante de lui. Or, n’eſt-il pas abſurde d’admettre un Etre coëternel avec Dieu indépendant de lui, & infini dans ſon Etendue ? N’eſt-ce pas ſuppoſer deux Dieux & deux Infinis ?

  1. Omne Ens creatum neceſſe eſt ex ſe infinitum & illimitatum eſſe, non habet enim à quo limitetur. Smiglecius de Baptismo adverſus Moſcorovium, pag. 40.’'