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duire dans le bon Chemin. Telles ſont les Notions que les Païens avoient de la Divinité, qu’ils croïoient coupable des plus grands Crimes, & à laquelle ils attribuoient toutes les Foibleſſes Humaines. Il n’y avoit aucune Paſſion, qui ne fût déïfiée. Le plus grand des Crimes étoit le Partage du plus grand des Dieux : & l’Amour de Jupiter pour Ganimede n’étoit pas la ſeule monſtrueuſe Idée des Païens ſur la Divinité ; ils en avoient cent autres auſſi extravagantes. Peut-on dire, qu’elles avoient été gravées par la Divinité dans leur Ame, comme des Notions qui devoient ſervir de Fondement à toutes les autres, ſans ſoutenir que Dieu eſt un Trompeur, & qu’il remplit l’Entendement des Hommes de milles Notions pernicieuſes & fauſſes ? Gardons nous donc très ſoigneuſement de penſer ainſi.

Je vous ai déjà fait voir, Madame, combien il eſt inutile à ceux qui défendent les Notions innées d’objecter que Dieu, aïant gravé ſon Idée dans le Cœur de l’Homme, celui-ci change & pervertit cette Idée par une fauſſe Application. À quoi ſervent donc ces Idées abſtraites, que l’Ame ne connoît jamais,