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Il eſt aiſé de prouver, que rien ne paſſe pour juſte, ou honnête, parmi quelques Peuples, qui ne paſſe pour injuſte, ou mal-honnête, parmi quelques autres. Les Caribes engraiſſent leurs Enfans, pour les manger : &, pour qu’ils ſoient d’une Graiſſe plus abondante & plus délicate, il leur font l’Opération que les Italiens font aux leurs, pour leur rendre la Voix plus claire. Pluſieurs Peuples du Pérou font leurs Concubines de Femmes qu’ils prennent à la Guerre : ils nourriſſent délicatement juſqu’à treize Ans les Enfans qu’ils en ont, & les mangent alors. Ils en font autant de leurs Concubines, lorſqu’elles ne font plus d’Enfans[1]. En tout cela, ils ne croïent pas faire plus de Mal, qu’un François qui met au Pot un vieille Poule qui ne fait plus d’Œufs. Les Druſes, Peuple du Mont Liban, épouſent leurs propres Filles ; &, dans certain Jour de l’Année, ils ſe mêlent indifféremment avec les Femmes les uns des autres[2]. On prétend qu’il y a à

  1. Garcilasso de la Vega, Hiſtoire des Yncas, Livr. I, Chap. XII.
  2. Bespier, Remarques ſur Ricaut, Tom. II, pag. 649