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même, par l’Impoſſibilité de deux Infinis, qui ſe préſente toujours. Et ſi l’on veut abſolument que Dieu ſoit diſtinct de la Subſtance étendue & infinie, il faut donc faire Dieu fini, & par conſéquent inférieur de beaucoup à la Subſtance étendue, qui, étant elle-même infinie, eſt mille fois plus parfaite & plus digne d’être regardée comme la prémiere Divinité.

Vous voïez, Madame, que j’avois Raiſon de vous dire, que le Spinoſiſme raiſonné fondoit ſes Dogmes ſur bien des Principes du Cartéſianiſme. À Dieu ne plaiſe pourtant, que je veuille taxer Des-Cartes, qui a été un des plus grands Génies du Monde, & toujours très perſuadé de la Spiritualité de Dieu, d’avoir voulu favoriſer l’Athéisme. Mais, je n’ai fait ces Réfléxions, que pour vous montrer, que, de Sentimens qu’on croit ſouvent les plus innocens, on peut quelquefois tirer des Conſéquences les plus pernicieuſes. Il en eſt des Philoſophes ainſi que des Amans. Les uns prennent pied ſur le moindre Mot, les autres ſur la moindre Faveur. Ils ſont cependant tous également incertains : & la Philoſophie eſt pour le moins auſſi trompeuſe, que la plus fieſſée Coquette de Paris.