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ſaires & inſéparables les uns des autres, & qu’on en prenne dix, il ſeroit ridicule de conclure qu’on eut cette Choſe qui en éxige trente abſolument : on en auroit au contraire un autre, qui n’en demande que dix pour former ſon Exiſtence. Il en eſt de même du Corps, dont nous ne pouvons démontrer que nous connoiſſons les Attributs. Ainſi, nous ne ſavons point préciſement ce qui conſtitue ſon Eſſence.

La plûpart des Philoſophes ont ſur cette Queſtion des Sentimens très différens. Ceux, qui veulent que la Nature du Corps conſiſte dans la Solidité, me paroiſſent mieux fondez que les autres, qui la font réſider dans l’Extenſion. La Solidité, dit Locke, eſt une Idée ſi inſéparable du Corps, que c’eſt parce que le Corps eſt ſolide, qu’il remplit l’Eſpace, qu’il touche un autre Corps, qu’il le pouſſe, & par-là lui communique du Mouvement. Que ſi l’on peut prouver, que l’Eſprit eſt différent du Corps, parceque ce qui penſe n’enferme point l’Idée de l’Etendue : ſi cette Raiſon eſt bonne, elle peut, à mon Avis, ſervir tout auſſi-bien à prouver que l’Eſpace n’eſt pas Corps, parcequ’il n’enferme pas l’Idée de la Solidité ;