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Il répugne, & paroit contraire à la Raiſon, d’admettre Un Etre autre que Dieu, qui ſoit incorporel, éternel, immenſe, indépendant, incorruptible, & incapable d’être détruit : &, pour qu’un Philoſophe ſoit en Droit d’admettre une Etendue incorporelle dont il n’a aucune Notion, qu’il ne connoit point, qu’il ne ſent point, qu’il ne touche point, qu’il ne voit point, il doit en prouver l’Exiſtence par des Rairons auſſi convaincantes & auſſi claires, que celles dont on ſe ſert pour démontrer la Spiritualité de Dieu, à qui l’on accorde toutes les Qualitez du prétendu Eſpace incorporel ou local. Et quel eſt l’Homme, enfin, qui

    Hors du Tonneau percé ne ſe peut écouler,
    Qu’on n’ait d’un Soupirail fait Ouverture à l’Air.
    C’eſt pourquoi le Souflet, dont la Bouche eſt bouchée,
    Ne peut être élargi. C’eſt pourquoi l’Eau cachée
    Dans un Vaſe bien clos ne ſe glace en Hiver.
    La Clepſydre ne peut les Jardins abreuver,
    S’on ferme ſa Gargouille : & l’argentine Source,
    Qui dans le Plomb creuſé fait ſon eſclave Courſe,
    Forçant ſon Naturel rejaillit vers les Cieux.
    Tant & tant à tout coups le Vuide eſt odieux.

    Du Bartas, Poéſies, Livr. II.

    Quelque vieux que ſoient ces Vers, ils ne ſont point indignes d’être citez. Ils diſent en peu de Mots les principales Expériences ſur leſquelles ſe fondent ceux qui nient la Poſſibilité du Vuide.