Page:D’Argens - La philosophie du bon sens.djvu/291

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

aucune Dureté. Cependant, les Corps, qui fuiraient & s’éloigneroient, ne perdroient point leur Eſſence, & n’en feraient pas moins ce qu’ils ſont. Il faut donc que leur Nature ou leur Eſſence ne conſiſte point dans la Dureté & la Solidité que nous ſentons quelque-fois à leur occaſion, ni dans les autres Qualitez de ce Genre.

On comprendra aiſément, que la même Etendue qui conſtitue la Nature & l’Eſſence du Corps, conſtitue auſſi la Nature & l’Eſſence de l’Eſpace, ſi l’on veut éxaminer attentivement l’Idée que l’on a de la Matiere. Suppoſons qu’on prenne une Pierre, & qu’on en ôte tout ce qu’on ſçait ne point appartenir au Corps. Qu’on la réduiſe d’abord en poudre, & qu’on la prive de la Dureté, elle ne ceſſera pas pour cela d’être Corps. Qu’on lui enleve la Couleur, elle le ſera de même ; car, il eſt des Pierres ſi tranſparentes, qu’elles n’en ont aucune. Qu’on lui ôte la Peſanteur, & qu’on la change en Flamme & en Feu, elle ſera toujours Corps. Qu’on lui enleve la Froideur, la Chaleur, & toutes les autres Qualitez de cette Eſpece, elle reſtera toujours Corps : &, après avoir