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qu’il y ait des Eſpaces immenſes vuides de tous Corps, & capables de recevoir ceux que Dieu voudrait-créer de nouveau. Car, ſi la Subſtance corporelle remplit tous les Eſpaces poſſibles, ou plûtôt eſt elle-même l’Eſpace, il faut donc qu’elle ſoit infinie dans ſon Etendue, & Dieu ſe trouve dans l’Impoſſibilité de pouvoir créer & annihiler la moindre Partie de cette Subſtance : & cet Etre puiſſant, qui, de rien, a fait tout le Monde, a borné lui-même ſi fort ſa puiſſance, qu’il ne peut plus former un Atome ni l’annéantir.

Si, pour prouver qu’il peut y avoir du Vuide, on demande à un Cartéſien, ſi Dieu ne pourroit point ôter l’Air qui ſe trouve entre les quatre Murailles d’une Chambre, empêcher qu’aucun Corps ne ſuccédât à ſa Place, & faire que ces quatre Murailles ne ſe briſaſſent point,

    Alter utrum fatearis enim, ſumasque neceſſe eſt… Aſt ſive eſt aliquid quod prohibeat, officiarque Quominu quo miſſum ſi veniat, finique locet ſe, Sive foras fertur, non eſt ea fini profecto. Hoc pacto ſequar, atque Oras ubicumque locaris Extremas, quæram quid Telo denique fiat ? Fiet, uti, nunquam poſſit conſiſtere Finis.

    Lucretius de Rerum Naturâ, Libr. I, Verſ. 970 & ſeqq.