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Matiere très ſubtile & très active, qu’il diſoit être Dieu, qui, comme matériel, entroit dans la Compoſition du Monde : mais, il envelopoit ſon Erreur de tant de Diſtinctions, qu’on auroit cru qu’il admettoit effectivement pluſieurs Cauſes, & pluſieurs Effets. La Lumiere & les Tenebres, diſoit-il, ſont les deux prémiers Principes des Choſes. De leur Mélange réſulte l’Unité radicale, de laquelle dépendent enſuite tous les Etres. Mais, dans le fond, il ne diſtinguoit point, ni la Lumiere, ni les Ténébres. Il ne trouvoit ces deux Principes, qu’entant qu’il conſidéroit le même Objet tantôt d’une maniere, & tantôt de l’autre. Ils n’avoient jamais été réellement ſéparez ; mais, notre Eſprit pouvoit les conſidérer ſans relation aux Choſes créées. Ainſi, les Tenebres même, & la Matiere, étoient un Principe incréé. S’il parloit d’un Tems qui eut précédé la Création, c’étoit un Tems imaginaire, une pure Priorité de Nature[1]. Le fameux Gaſſendi a développé l’Erreur de ce Philoſophe, & l’a réfutée d’une façon convaincante & vic-

  1. Bayle, Continuation des Penſées diverſes ſur les Comètes, Tom. I, pag.349.