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moins de la Perfection. Or, ma Raiſon & ma Lumiere Naturelle, qui ne ſauroit me tromper, me font voir, que l’on ne peut punir juſtement un Homme d’un Crime involontaire, ni créer des Créatures qu’on ſçait devoir être malheureuſes, lorſqu’on peut l’éviter par ſa ſeule Volonté. Ainſi, l’Homme malheureux ne peut être émané d’un Principe Souverainement bon.

Voila Madame, les principales Raiſons qui jetterent Spinoſa dans l’Erreur. Ne pouvant accorder les Malheurs de la Créature avec les Perfections du Créateur, il donna dans l’Athéïſme, & forma ſon monſtrueux Siſtême ſur celui de l’Ame du Monde, auquel il donna une nouvelle Forme, quoi qu’au fond ce fût le même. C’eſt un Malheur ordinaire à ceux qui veulent approfondir les Miſteres que Dieu nous cache, que de s’égarer dans un Labirinte où ils ſe perdent pour toujours. Il y a de la Folie à vouloir pénétrer ce qui eſt au-deſſus de nos Connoiſſances[1]. Il eſt

  1. « Quant à la Liberté des Opinions philoſophiques touchant le Vice & la Vertu, c’eſt Choſe, où il n’eſt beſoin de s’étendre, & où il ſe trouve pluſieurs Avis, qui valent mieux tûs, que publiés aux foibles Eſprits. » Montagne, Eſſais, Livr. II, pag. 189.