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de l’Etre infiniment parfait ne ſeroit point infinie, ſi l’on pouvoit avoir quelque Notion d’une Bonté plus grande que la ſienne. Il ne peut donc convenir à cet Etre ſouverainement parfait de donner aux Hommes un Franc-Arbitre, dont il ſçait qu’ils feront un Uſage qui leur ſera pernicieux. Il n’appartient qu’à un Etre mal-faiſant, & mauvais, d’accorder des Dons aux Créatures qui doivent certainement leur devenir nuiſibles ou inutiles. Si un Souverain faiſoit diſtribuer à tous ſes Soldats des Epées qui pourroient garantir de la Mort tous ceux qui ſauroient s’en ſervir d’une certaine maniere, & qu’il n’apprit ce Secret qu’à quelques-uns, & laiſſât périr tous les autres, n’auroit-on pas ſujet de ſe récrier ſur ſon Injuſtice, & de le taxer de Cruauté ? En vain, voudroit-on ſoutenir, que nous ne pouvons, nous finis, avoir aucune Idée de la Juſtice de l’Infini. Il eſt vrai, que nous n’en pouvons avoir aucune Idée parfaite : mais, cependant, celle que nous avons de la Juſtice, ne font vraïes, qu’aurant qu’elles approchent de la Juſtice de Dieu ; car, une Choſe n’eſt bonne ou mauvaiſe, qu’autant qu’elle approche plus ou moins