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d’un Principe ſouverainement bon, auquel eſt attribué la Juſtice, qui ne lui eſt pas moins eſſentielle que la Bonté. Mais, cette Raiſon paroît peu convaincante. Car, ſi l’Homme venoit d’un Principe bon, il faudroit qu’il eut été créé, non-ſeulement ſans aucun Mal actuel, mais même ſans aucune Inclination au Mal. Si l’on objecte, qu’il avoit ſimplement la Force de ſe déterminer au Mal, & que s’y étant déterminé, il eſt ſeul coupable du Crime & du Mal moral qui s’eſt introduit dans l’Univers, on ne ſera guère plus avancé. Car, Dieu avoit prévû que l’Homme pécheroit, & ſe ſerviroit mal de ſon Franc-Arbitre ; puiſqu’on ne peut nier, que tout ne ſoit préſent & connu à la Divinité. Or, ſi Dieu avoit prévû le Péché de l’Homme, il devoit l’empêcher : parcequ’il n’étoit pas d’un Principe ſouverainement bon de permettre qu’il fût obligé d’accabler ſa Créature de Malheur ; car, cela bleſſe les Idées de l’Ordre. Et quand même il ſeroit poſſible, que Dieu n’eût pas prévû la Chûte du Pécheur, il l’avoit au moins jugé poſſible & il devoit par les mêmes Raiſons en empêcher les funeſtes Suites : car, la Bonté