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que, lorſque cet Etre ſouverainement puiſſant veut quelque Choſe, l’Effet ſuit dans l’inſtant ſa Volonté. Or, ſuppoſons que Dieu, qui a été de tout Tems, ait voulu que le Monde ait eu ſon Ordre & ſon Arrangement de tout Tems, l’Effet ſuivant toujours ſa Volonté, le Monde aura été de tout Tems. Mes Adverſaires m’auroient répondu, qu’une Choſe ne peut paſſer du non-être à l’être, ſans avoir un Commencement ; & qu’ainſi, le Monde aïant été fait, il faut néceſſairement qu’il y ait eu un Tems où il n’ait pas été. Ils auroient ajouté, que Dieu ne pouvoit changer l’Eſſence des Choſes, & que celle de la Création étoit de faire paſſer la Choſe créée du non-être à l’être. J’aurois oppoſé à ces Raiſons les Bornes étroites de notre Eſprit, qui, étant fini, ne peut comprendre les Opérations de l’Infini, ni rien de ce qui concernoit ſa Puiſſance : & l’on n’eut jamais pu me prouver que Dieu, aïant éxiſté de tout Tems, n’avoit pû vouloir & faire une Choſe de tout Tems.

Les Argumens des Epicuriens m’euſſent moins donné de Peine à combattre. Je leur eus nié, que le Monde fût corrup-