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Confuſion regnent dans la Philoſophie ordinaire, à cauſe que les Philoſophes ſe contentent d’une Vraiſemblance fort facile à trouver, & ſi commode pour leur Vanité & leurs Intérêts. N’y trouve-t-on pas, preſque par-tout, une infinie Diverſité de Sentimens ſur les mêmes Sujets, &, par conſéquens, une Infinité d’Erreurs ? Cependant, un très grand Nombre de Diſciples ſe laiſſent ſéduire, & ſe ſoumettent aveuglément à l’Autorité de ces Philoſophes, ſans comprendre leurs Sentimens[1].

La Facilité de croire, & la Vanité de vouloir tout connoitre, ſont les deux Sources de l’Erreur, & de l’Ignorance. Les véritables Savans parlent douteuſement des Choſes douteuses, & avouent ingénument leur Incapacité touchant celles qui ſont au-de-là de la Portée de l’Eſprit de l’Homme. Il est vrai, qu’ils croient ſavoir beaucoup moins de Choſes, que ceux qui prétendent les connoître toutes : mais, du moins, ils ſont certains de celles qu’ils ſavent ; & les autres ignorent celles mêmes qu’ils croïent connoître.

  1. Mallebranche, Recherche de la Vérité. Livr. I. Chap. III, pag. ii. Voi. ſur la fin.