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ble,) que l’Arrangement & la Regle puſſent naître du Hazard, cet Arrangement & cette Regle ne pourroient durer long-tems. C’eſt vouloir s’aveugler, que de penſer le Contraire. Or, s’il y a un prémier Etre, qui ait compoſé l’Harmonie de l’Univers, cet Univers n’eſt donc pas éternel, puiſquil y a eu avant lui le prémier Etre, auquel il eſt redevable de ſon Arrangement. Et il y auroit une Abſurdité étonnante à dire, que l’Ouvrage eſt auſſi ancien que l’Ouvrier : car, pour qu’une Choſe ſoit faite par quelqu’un, il faut que ce quelqu’un ſoit avant la Choſe.

Quelque forte que fût cette Raiſon, les Epicuriens ne pouvoient s’en ſervir : mais, ils fondoient leurs Sentimens ſur les Obſervations des Choſes naturelles. Les Parties du Monde, diſoient-ils, ſont ſujettes à la Corruption. Ainſi, le Monde entier doit y être lui-même ſujet ; parce que le Tout ſuit toujours la Nature de ſes Parties. Nous voïons, continuoient ces Philoſophes, que le Tems détruit, change, renverſe, les Bâtimens les plus ſtables ; que les Pierres ſe pourriſſent, & ſe réduiſent en Pouſſiere ; que l’Air dévore les Rochers les plus durs ; que les Montagnes ſe briſent, tombent en Eclats, & ſe précipi-