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viens, que c’eſt une grande Difficulté qui s’offre d’abord, que d’admettre la Matiere éternelle. Mais celles, qui ſe préſentent d’un autre Côté, le ſont encor plus.

Si l’on a de la Difficulté a concevoir l’Eternité de la Matiere, on n’en a pas moins à ſe former l’Idée d’un Etre éternel & ſpirituel. Il s’offre d’abord deux Embarras ; la Spiritualité, dont je n’ai que des Notions vagues ; & l’Eternité de ce même Etre. Si je vais plus loin, je me jette dans un Labirinte, dont je ne ſaurois ſortir. Il m’eſt impoſſible de comprendre comment un Etre ſpirituel peut créer de la Matiere. En avançant plus avant, je m’égare encore davantage. Si Dieu a créé l’Homme, & qu’il ſoit par conſéquent émané d’un Principe ſouverainement bon, comment peut-il être mauvais ? La ſouveraine Bonté peut-elle produire une Créature malheureuſe, & la ſouveraine Sainteté une Créature criminelle ? Tous ces Doutes, & bien d’autres, s’offrent à mon Eſprit, & je n’ai, pour les réſoudre, d’autre Secours que de penſer, que mon Eſprit étant renfermé dans des Bornes très étroites, je ne dois point, moi fini, vouloir juger des