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De tous les Savans, qui ont ſoutenu l’Eternité du Monde, Ariſtote a été celui qui a embraſſé cette Opinion avec le plus de Fermeté. Quoi qu’il ait changé très ſouvent de Sentiment ſur d’autres Sujets, il n’a jamais varié dans celui-là, & l’a toujours ſoutenu fermement. Il ſe mocquoit de ceux, qui croïoient le contraire : & il diſoit, en parlant d’eux, qu’ils lui donnoient des Fraïeurs étonnantes ; qu’il n’avoit craint pendant un Tems, que la Ruine de ſa Maiſon, qui étoit bâtie depuis très long-tems ; mais, qu’il avoit bien d’autres Sujets d’Appréhenſion, puiſqu’on lui faiſoit craindre que le Monde, qui avoit eu un Commencement, & qui par conſéquent étoit périſſable, ne tombât en Ruïne, & ne fût réduit en Pouſſiere. Voici quelles étoient les principales Raiſons de ce Philoſophe. Le Mouvement, diſoit-il, doit être éternel. Ainſi, le Ciel, ou le Monde, dans lequel eſt le Mouvement, doit être éternel. En voici la Preuve. S’il y a eu un prémier Mouvement, comme tout Mouvement ſuppoſe un Mobile, il faut abſolument que ce Mobile ſoit, ou engendré, ou éternel, mais pourtant en Repos, à cauſe de quelque Empêchement. Or,