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croiſſent peu-à-peu : &, bien loin que le Néant produiſe des Arbres, que nous voïons ſortir tout-à-coup de la Terre, on a beſoin de la cultiver pour l’aider dans ſes Productions.

Il étoit donc impoſſible, que les Philoſophes anciens, privez de la Révélation, ne cruſſent pas la Matiere incréée. Car, quoiqu’il y en eut entre eux, qui admirent un premier Principe intelligent, tout ce qu’ils pouvoient faire, par le Secours de la Lumiere Naturelle, étoit de le regarder comme coëternel avec la Matiere. Comment auroient-ils pû ſurmonter mille Difficultez, qui reſteroient encore, ſans la Soumiſſion que nous devons à la Religion qui détermine nos Doutes ? Si la prémiere Cauſe, diſoient-ils, ou le Prémier Etre qui eſt univerſel, a créé la Matiere, il faut qu’il l’ait priſe dans lui, ou hors de lui. S’il l’a priſe dans lui, il n’eſt pas infini, puiſque cette Matiere, qui étoit dans lui, devoit y former un Point, & que l’on peut meſurer tout ce dans quoi l’on peut placer un Point. Il ne ſauroit auſſî l’avoir priſe hors de lui : car, il ne ſeroit point infini, s’il y avoit quelque-choſe au-de-là de lui. Si l’on répond,