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Notions que nous avons acquiſes par la Révélation, & éxaminer les Sentimens des Anciens par la ſeule Lumiere Naturelle.

Je vous prie donc, Madame, d’obſerver d’abord, que tous les anciens Philoſophes ont été perſuadez de ce Principe, que, de rien, il ne ſe fait rien. Ainſi, ceux-même, qui ont ſoutenu, que le Monde avoit eu un Commencement, ont cru cependant, que la Matiere, dont il avoit été formé, étoit éternelle, & avoit toujours exiſté. C’eſt cette Matiere, qu’Ovide appelle le Cahos, & Epicure les Atomes, qui, n’aïant aucune Liaiſon entr’eux, étoient en Liberté dans l’Eſpace du Vuide.

Il paroit, que ce Sentiment des anciens Philoſophes, qui n’avoient que la Lumiere Naturelle pour Guide, étoit fondé ſur des Raiſons qui ſembloient évidentes. Si, de rien, diſoient-ils, il ſe pouvoit faire quelque-choſe, & ſi le Néant pouvoit produire un Corps, nous verrions tous les jours de Productions nouvelles, dont nous n’aurions aucune Connoiſſance. Chaque Choſe pourroit indifféremment naître de chaque Choſe, & ſortir ſans Ordre & ſans Arrangement