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Loin d’être arrivé au dernier Dégré de la Science, chaque Pas qu’il fait le jette dans l’Erreur, & l’éloigne du bon Chemin. Il vaudroit mieux pour lui, qu’il crut ne rien ſavoir, que d’être perſuadé de ſavoir quelque-choſe[1].

La ferme Croïance, que les Hommes ont eue pendant long-tems d’être très aſſurez de certains Principes, qui pourtant étoient faux, a retardé infiniment les Découvertes qu’on auroit pu faire dans la Connoiſſance de la Phyſique Expérimentale. Si, après avoir diſputé quelque tems, on eut avoué de bonne-foi, que les prémiers Principes ne pouvoient être démontrez ni connus évidemment ; & que, content de quelques Découvertes qu’on avoit faites, on eut ſongé à les cultiver par des Expériences qui auroient pû donner de nou-

  1. Ainsi, lorſqu’on a de mauvais Principes, d’autant qu’on les cultive davantage, & qu’on s’applique avec plus de Soin à en tirer la Conſéquence, penſant que ce ſoit bien philoſopher ; d’autant s’éloigne-t-on davantage de la Connoiſſance de la Vérité & de la Sageſſe. D’où il faut conclure, que ceux, qui ont le moins appris de tout ce qui a été nommé juſqu’ici philoſophie, ſont les plus capables d’apprendre la vraie. » Des-Cartes, Principes de la Philoſophie, Préface.