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ve point cette Sincérité dans les Scolaſtiques, ni dans leurs Diſciples. Tout Homme, qui, pour ſon Malheur, a acquis dans ſa Jeuneſſe le Nom de Péripatéticien, de Jéſuitiſte, de Thomiſte, de Scotiſte, &c, croit avoir des Yeux aſſez perçans pour développer la Nature, & pénétrer dans tous ſes Secrets. Il penſe lire juſques dans les derniers Cieux : mais, il lui arrive le même Accident qu’à Thalès, qui, trop attentif à contempler les Aſtres, tomba dans un Précipice dont il ne s’étoit point apperçu. Tel eſt le Sort d’un Scotiſte ? Il croit ſavoir ce qui ſe paſſe ſur ſa Tête, & il ignore ce qui eſt à ſes Pieds[1].

    dans l’Eternité ? Dieu peut-il faire un Corps infini en Grandeur, un Mouvement infini en Viteſſe, une Multitude infinie en Nombre ? Un Nombre infini eſt-il pair ou impair ? Y a-t-il un Infini plus grand que l’autre ? Celui, qui dira tout d’un coup, je n’en ſçai rien, fera auſſi avancé en un moment, que celui qui s’appliquera à raiſoner vingt Ans ſur ces ſortes de Sujets ; & la ſeule Différence qu’il peut y avoir entre eux eſt, que celui, qui, s’efforcera de pénétrer ces Queſtions, eſt en danger de tomber en un Dégré plus bas que la ſimple Ignorance, qui eſt de croire ſavoir ce qu’il ne ſait pas. » Art de penſer, Part. IV, Chap. I, pag. 347.

  1. Quod eſt ante Pedes nemo ſpectat : Cali ſcrutantur Plagas. Cicero de Divinatione, Libr. II.