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de plus ſatiſfaiſant. Si l’on ne peut en démontrer évidemment la Vérité, du moins l’Eſprit s’amuſe & s’exerce-t-il agréablement dans les Doutes qu’il ſe forme à leur ſujet : & ſi, après avoir longtems raiſonné ſur ces prémiers Principes des Choſes, l’on eſt auſſi peu inſtruit, & auſſi peu avancé, qu’avant que de commencer, on a du moins la Conſolation des s’être innocemment occupé, & d’avoir fait des Songes agréablement amuſans. Je crois, que c’eſt de cette Manière, qu’on doit regarder les Diſputes ſur le Vuide, ſur la Diviſibilité de la Matiere, ſur ſon Eſſence, ſur le Lieu, ſur l’Eſpace, & ſur beaucoup d’autres Queſtions, dont on diſpute depuis trois mille Ans, & dont on diſputera juſqu’à la Fin des Siecles. On peut, je le répète, traitter de Songes agréables le Tems qu’on paſſe à s’en inſtruire : & les Philoſophes les plus zélez pour la Phyſique ne ſauroient ſe ſcandaliſer de cette Expreſſion ; puifqu’il s’en eſt trouvé de très diſtingués entre eux, qui ont avoué de bonne-foi, qu’après avoir étudié quarante Ans, ils étoient auſſi peu avancés, & avoient auſſi peu de Certitude, qu’avant que de s’appliquer à l’Etude de la Phyſique.