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Cependant ſi nous éxaminons avec un peu d’Attention les Actions de notre Eſprit, nous découvrirons, que nous raiſonnons mieux, & plus clairement, lorſque nous obſervons ſeulement la Connéxion des Preuves, ſans réduire nos Penſées à une Regle ou Forme de Syllogiſme[1]. Nous ſerions bien malheureux, ſi cela étoit autrement. La Raiſon ſeroit alors le Partage de cinq ou ſix Pédans, de qui elle ne fut jamais connue[2]. Je ne crois pas qu’on s’amuſe à chercher la Vérité par le Syllogiſme, dans le Cabinet des Princes, où les Affaires qu’on y décide font d’aſſez grande Conſéquence, pour qu’on doive y emploïer tous les Moïens néceſſaires pour raiſonner & con-

  1. Ce qui eſt en Lettre Italique, dans ce Chapitre, eſt pris de l’Eſſai ſur l’Entendement Humain de l’illuſtre Monſieur Locke, Livr. II, Chap. XVII. On pourra voir, dans cet excellent Livre, l’Inutilité du Syllogiſme démontrée évidemment. Le Lecteur, qui voudra être entièrement perſuadé de cette Opinion, ne peut mieux faire que d’avoir recours à cet Auteur.
  2. « Ces Principes auront un Effet contraire à ceux de la Philoſophie commune : car, on peut aiſément remarquer en ceux qu’on appelle Pédans, qu’elle les rend moins capables de Raiſon, qu’ils ne ſeroient, s’ils ne l’avoient jamais appriſe. » Des-Cartes, Principes de Philoſophie, Préface.