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Propoſition, par laquelle je conclus évidemment, qu’il faut donc que tout Homme ſente.

Si l’on tâchoit de ne raiſonner jamais que le plus clairement qu’on pourroit, on avanceroit bien davantage dans la Recherche des Véritez qui nous ſont inconnues. Mais, l’on ſe contente de ſe ſervir des Notions les plus abſtraites. On abbandonne ſouvent le Vrai, pour s’appuïer ſur l’Incertain, ou ſur le Chimérique. On ſe fert des Regles du Raiſonnement, pour en faire un Abus, & ſe tromper ainſi ſoi-même & les autres. On devient inſenſiblement Sophiſte, ſans s’en appercevoir. Dans les Diſputes que l’on a, on commence à ſoutenir ſes Opinions par de faux Principes : on en vient enfin juſqu’à l’Abus des Mots ; & l’on s’applaudit d’avoir empêche la Vérité de paroître, en l’enveloppant dans des Sophismes[1]. C’eſt ainſi, que le Poëte,

  1. Après-tout, lorſqu’on rencontre des Sophiſtes, le meilleur eſt de les laiſſer-là, comme Gens, qui, au lieu de la Vérité, que nous cherchons, nous préſentent l’Erreur & la Fauſſeté ; ou qui, au lieu d’agir ſérieuſement ſe plaiſent à jouer & vetiller. J’ai Honte, dit fort judicieuſement Seneque : agés que vous ſommes, nous