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finitions que nous faiſons. Car, lorſque nous voulons expliquer la Nature ou les Propriétez d’une Choſe, nous regardons d’abord à l’Idée que nous en avons : &, ſelon ce qui eſt dans notre Entendement, nous définiſſons cette Choſe bien ou mal ; bien, ſi l’Idée que nous en avons eſt juſte ; mal, ſi elle eſt fauſſe & trompeuſe. Or,

    turelles du Langage, tandis qu’on l’a fait ſervir à embrouiller la Signification des Mots plûtôt qu’à découvrir la Nature & la Vérité des Choſes. » Locke, Eſſai Philoſophique ſur l’Entendement Humain, Livr. III, Chap. X, pag. 621.


    Il ſemble, que le Bon-Sens ait été près de ſix ou ſept cens Ans endormi, & comme plongé dans une Létargie, qui l’empêchoit d’agir, & de conduire & éclairer les Hommes. Comment a-t-on pû être occupé, pendant le Regne de la Philoſophie Scolaſtique, des Chimères dont elle eſt farcie, & croire ſavoir quelque choſe de très eſſenciel, en ſe repaiſſant de Puerilitez, de Jeux-de-Mots, enfin de Viſions ridicules, & ſans fondement ? St. Thomas, tout grand Saint qu’il étoit, au lieu d’achever de rendre la Logique ridicule par ſon Etre de Raiſon, n’eut-il pas mieux fait de ne point augmenter tous ces Subtilitez Scolaſtiques, dont il a fait le Sujet, où, ſi l’on veut, l’Objet de la Logique ? Ens Rationis eſt Objectum Logicæ. Eſt-il rien de ſi pitoïable, que d’établir un Rien, une Choſe imaginaire, pour le Sujet d’une Science, ou, ſi l’on aime mieux, d’une Diſcipline réelle ? Car, queſt-ce qu’un Etre par la ſeule Raiſon ou Diſcours Humain, qu’un Non Etre, une Fiction, ou une Chimere ?

    L’Envie de diſputer, & l’Abus des Mots, ont