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ne s’en défont pas facilement : cette ancienne Idée leur revient toujours, & fait oublier aiſément celle qu’on veut leur donner par la nouvelle Définition. Ainſi, il ne faut changer l’Etimologie des Noms, & ne chercher à les définir d’une nouvelle maniere, qu’autant qu’on trouve que leur prémiere Définition eſt vicieuſe, ou laiſſe quelque Ambiguïté, dont certaines Gens ſont charmées de profiter pour appuïer leurs Sentimens[1].

  1. L’abus eſt, que, ne ſe ſervant preſque jamais de Définitions de Noms pour en ôter l’Obscurité, & les fixer à des certaines Idées déſignées clairement, ils les laiſſent dans leur Confuſion ; d’où il arrive, que la plûpart des Diſputes ne ſont que des Diſputes de Mots : &, de plus, qu’ils ſe ſervent de ce qu’il y a de clair & de vrai dans les Idées confuſes, pour établir ce qu’elles ont de faux ; ce qui ſe reconnoîtroit facilement, ſi l’on avoit défini les Noms. » Art de penſer, pag. 74.

    Il faut particuliérement attribuer les Reproches de ces deux Citations aux Philoſophes de l’Ecole. Dès que la véritable Signification des Mots eſt parfaitement marquée les Philoſophies de Scot & de St. Thomas disparoiſſent. Ce ne ſont plus que des Chimeres ou des Fantômes, que la Vérité diſſipe. Perſonne n’a mieux dépeint le pernicieux Abus qu’on fait des Mots, que le fameux Locke. « Un troiſieme Abus », dit-il, « qu’on fait du Langage, c’eſt une Obſcurité affectée, ſoit en donnant à des Termes d’Uſage des Significations nouvelles