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cheran[1]. Dieu préſerve tout honnête Homme de l’Eſprit de Parti, & de la Fréquentation de ceux qui en ſont atteints. J’aime encore mieux vivre avec un Amant langoureux. Ce n’eſt pas que ce dernier ne foit une eſpece de Fanatique dans ſa Façon : mais, du moins, ſa Frénéſie a quelque-choſe de moins à charge, & de moins furieux. Cependant, Madame, les Idées, qu’on prend d’un Amant, ſont ordinairement ſujettes à caution, ſur-tout lorſqu’elles regardent l’Objet dont il eſt épris. Un Homme, dont le Cœur eſt vivement touché, déïfie ſa Maitreſſe. Fut-elle auſſi ſtupide qu’un Mathurin, il la croit auſſi ſpirituelle que la Comteſſe de la Suze : eut-elle moins de Sageſſe qu’un Cordelier, il la regarde comme une Veſtale : fut-elle auſſi craſſeuſe qu’un Capucin, il penſe qu’elle eſt plus propre qu’une Néréide : enfin, égalât-elle en Laideur Mégere & Thiſiphone, il la croiroit ſemblable à Vénus, & auſſi belle que vous.

  1. Voïez les Lettres Juives, Lettre VII, pag. 50 & ſuiv.