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le Cuivre ſur la Pierre-de-Touche, nous éclairciſſons les prémieres Notions de nos Sens, par de ſecondes. En approchant de la Tour, nous en uſons de même, & nous découvrons ſa Quarrure.

Lorsque nous venons à errer, nous ne devons pas en accuſer directement nos Sens, qui ne nous trompent jamais, quand nous les mettons à même d’agir librement & efficacement[1]. Mais, nous devons nous en prendre à nous-même, qui jugeons précipitamment de quelque Choſe, qui ne nous eſt point aſſez connue, & ſur laquelle nos Sens n’ont point la Force d’agir entièrement[2]. Telle eſt la fauſſe Idée

  1. Qui niſi funt veri, Ratio quoque falſa ſit omnis.
    Lucrecius, Libr. IV, Verſ.487.
  2. « Lorsque nous appercevons quelque Choſe, nous ne ſommes point en Danger de nous méprendre, ſi nous n’en jugeons en aucune façon. Et quand même nous en jugerions, pourvu que nous ne donnions notre Conſentement, qu’à ce que nous connoiſſons clairement & diſtinctement devoir être compris en ce dont nous jugeons, nous ne ſaurions non plus faillir. Mais, ce qui fait que nous nous trompons ordinairement, c’eſt que nous jugeons bien ſouvent, encore que nous n’aïons pas une Connoiſſance bien exacte de ce dont nous jugeons. " Des Cartes, Principes de Philoſophie, pag. 25.