Page:D’Argens - La philosophie du bon sens.djvu/167

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

donc, pourquoi tant de Nations ont eu des Notions ſi fauſſes & ſi ridicules de la Divinité, qu’au lieu de reconnoître un Etre parfait, juſte, grand dans ſes Opérations, infini dans tous ſes Attributs, ils ont eu l’Idée d’un Nombre de Dieux, dignes de l’Horreur de tous les Honnêtes-Gens ? Ils répondront peut-être, que Dieu grave en général dans le Cœur de l’Homme l’Idée de la Divinité ; mais, que l’Homme change & pervertit cette Idée par une fauſſe Application à des bjets particuliers. Mais, il n’eſt rien de ſi frivole que cette Défenſe. À quoi ſervent donc ces Idées abſtraites de la Divinité, qui ne peuvent produire rien de bon, & qui ſont abſolument inutiles ? D’ailleurs, des Idées abſtraites ſuppoſent qu’on a déjà connu des Objets qui ſe reſſemblent ; & l’Abſtradion ne peut convenir à une prémiere Idée, ou, ſi l’on veut, à une Idée innée. Ajoutons à ces Raiſons, que Dieu[1]

  1. au- gravé profondement dans notre Ame … Puis donc que notre Ame ſe trouve d’abord ſans cette Idée qu’il nous importe le plus d’avoir, c’eſt-là une forte Préſomption contre tous les autres Caractères qu’on voudroit faire paſſer pour innez. » Locke Eſſai Philoſophique concernant l’Entendement Humain, Livr. I, Chap. II, pag. 81.