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noiſſent que médiocrement une Partie ; & n’ont d’un grand Nombre d’Idées produites par la Réfléxion, qu’une Connoiſſance flottante & imparfaite.

Vous voïez aiſément, Madame, que l’Homme, n’aïant aucune Idée qui ne lui vienne, ou directement, ou indirectement, par les Sens, il ne peut commencer à penſer, que lorſqu’il commence d’avoir des Senſations. Car, puiſqu’il ne peut avoir aucune Idée lorſque les Sens n’agiſſent point encore, il ne peut donc avoir aucune Penſée.

Je m’apperçois, que vous ſerez fort étonnée que je vous aïe aſſurée hardiment, que nous ſavions ſi peu de Choſes. Comment ! direz-vous. Appellez-vous ne rien ſavoir, que de pénétrer avec autant de Préciſion les prémieres Opérations de l’Entendement Humain ? Vous m’accuſerez moins de Mauvaiſe-Foi, lorſque je vous aurai montré, que ces Principes, que je viens d’établir, quelque juſtes qu’ils paroiſſent, ont été combattus, & rejettez comme faux, par de très grands Philoſophes, qui les ont réfutez d’une manière à jetter du moins dans le Doute ceux qu’ils ne peuvent convaincre entièrement. Dure Mortification pour la