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ce Philoſophe tomba dans un Défaut eſſentiel. Au lieu de ſe réduire dans des Bornes étroites, & de ne donner à la Logique que l’Etendue qu’elle méritoit, il ſe rendit obſcur à force d’être diffus : &, après avoir bien dit de Choſes, il n’apprit rien de nouveau à l’Eſprit, que beaucoup de Mots, de Diviſions, & de Subdiviſions[1]. Ses Diſciples & ſes Commentateurs achevèrent d’embrouiller la Logique, & de la rendre inintelligible ; & chacun d’eux y méla quelque Chimere ou quelque Inutilité[2]. Enfin, St. Thomas inventa l’Etre de Raiſon. Scot mit au jour ſes Ridiculitez, qui lui acquirent le Nom de Subtil. Et les Philoſophes ne s’occupèrent plus que de Propoſitions & de Theſes frivoles, capables de jetter l’Eſprit dans les plus grandes Erreurs. Dans ces tems d’Aveu-

  1. « Un Auteur de ce Tems a dit avec grande Raiſon, que les Regles de la Logique d’Ariſtote ſervoient ſeulement à prouver à un autre ce que l’on ſavoit déjà : mais, que l’Art de Lulle ne ſervoit qu’à faire diſcourir ſans jugement de ce qu’on ne ſavoit pas. » Art de penſer, pag. 22.
  2. Les Ouvrages d’Ariſtote ont eu le Sort de tous les Ecrits qui ſont commentez, & revûs par différens Auteurs : chacun y ajoute un peu du ſien ; &, dans la Suite du Tems, ſi un Auteur revenoit, il ſeroit bien étonné des Opinions qu’on lui impute.