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vans. Vous ſerez encore plus convaincue de la Vérité de mon Opinion, lorſque je vous aurai fait voir, que la plus grande Partie des Grands-Hommes ont avoué, qu’ils ne connoiſſoient évidemment que très peu de Choſes ; & que leurs Ecrits contenoient plûtôt des Conjectures, que des Réalitez. Vous verrez, que mon Sentiment eſt celui des plus illuſtres Ecrivains. Je pourrois d’abord vous citer parmi les modernes Michel de Montagne, la Mothe-le-Vayer, Gaſſendi, & Bayle, qui ont preſque ouvertement ſoutenu le Pirrhonifme. Mais, en prenant les Choſes à leurs Sources, & en remontant juſqu’à Phérécide, le Pere de tous les Philoſophes, je trouve que les Anciens ont été dans le Doute autant que les Modernes. Voici ce que ce Philoſophe Grec écrivoit à Thalès ſon Diſciple, peu de tems avant de mourir. J’ai ordonné à mes Héritiers, après qu’ils m’auront enterré, de vous porter mes Ecrits. Si vous, & les autres Sages, vous vous en contentez, vous les pouvez publier. Si-non, ſupprimez-les. Ils ne contiennent aucune Certitude qui me ſatiſfaſſe moi-même. Auſſi ne fais-je pas Profeſſion de ſavoir la Vêrité, ni d’y atteindre : j’ouvre les Choſes, plus que je ne