Page:D’Argens - La philosophie du bon sens.djvu/131

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

toutes les Erreurs & les Diſputes, qui depuis ſi long-tems diviſent le Genre-Humain.

Quand on veut pénétrer des Choſes incompréhenſibles, la Science ne ſert qu’à égarer plûtôt. Elle fournit des Moïens pour ſe forger des Sophiſmes à ſoi-même. De quoi ſe fait, dit Montagne, la plus ſubtile Folie, que de la plus ſubtile Sageſſe ? Il n’y a qu’un Tour de Cheville à paſſer de l’une à l’autre[1]. Cet Auteur me paroit penſer juſte. Les plus grands Hommes ont donné dans les plus grandes Erreurs. Tertulien, Origene, & tant d’autres Lumières des premiers Siècles du Chriſtianisme, ont été emportez par le Torrent de leur Imagination, & ſont tombez dans des Sentimens erronez. On accuſe Saint Auguftin d’avoir quelquefois pouſſé les Choſes trop loin, ſelon les différentes Sectes contre lesquelles il écrivoit : & les différens Partis, qui regnent aujourd’hui, prétendent tous s’autoriſer de ſes Ouvrages. Je penſe, & je crois fermement, que la Nature & le Bon-Sens font ſouvent plus

  1. Montagne, Eſſais, Livr. II, pag. 189.