Page:D’Argens - La philosophie du bon sens.djvu/128

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Homme, accablé de Maux, de Douleurs, & d’Infortunes, dût être regardé comme au Faîte du Bonheur. Horace, en ſe mocquant de la Vanité des Stoïciens, au Sage desquels il accorde toutes les Qualitez & tous les Avantages qu’ils lui attribuoient, ajoute enſuite, qu’il eſt toujours en bonne Santé, ſi ce n’eſt lorſqu’il a la Pituïte, qui détruit tout le Bonheur de cetre Divinité terreſtre[1].

Quelque ridicules que ſoient certaines Opinions des Stoïciens, elles n’approchent pas de l’Abſurdité de celles des Pythagoriciens. Quelle Impudence, ou quelle Folie, n’y a-t-il pas chés un Homme, qui certifie avec une grande Aſſurance, qu’il ſe ſouvient d’avoir été dans deux ou trois Corps différens ; & qui aſſure, qu’il s’appelloit Euphorbe, lorſque ſon Ane étoit dans celui d’un Grec qui ſe trouvoit au Siege de Troye[2]  ? Peut-on porter plus loin l’Egarement de l’Eſprit Humain ? Cependant,

  1. Ad ſummum Sapiend uno minor eſt Jove, dives, Liber, honoratús, pulcher, Rex denique Regum, Præcipuè ſanus, niſi cum Pituïta molefta eſt.
    Horatius, Epiſt. I Libri I.
  2. Ipse ego, nam memini Trojani tempore Belli Phantonides Euphorbus eram. Ovidius, Metam. Libr. XV.