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ne ſavoit pas, qu’ils ont prétendu qu’on regardât leurs Ecrits comme contenant des Véritez évidentes, on diroit, que ce ne ſont que des Fictions & des Romans faits à plaiſir par des Perſonnes qui vouloient donner un libre Cours à leur Imagination, & qui transmettoient au Public les Chimeres & les Groteſques qui leur venoient dans l’Eſprit. Cependant, c’eſt avec Une Gravité magiſtrale, que les Philoſophes débitent leurs Sentimens les plus extraordinaires. Entendez parler un Stoïcien de la Sageſſe, & du Souverain Bien, vous diriés, qu’il eſt convaincu, que l’Univers entier doit adopter ſes Sentimens. Il n’eſt rien de ſi plaiſant, que de le voir s’efforcer de prouver, que le ſeul Sage, c’eſt-à-dire ſelon lui le ſeul Philoſophe, eſt véritablement heureux, toujours libre, même dans l’Eſclavage ; beau comme l’Amour, fut-il laid comme Vulcain ; riche dans l’Indigence ; & d’une Santé vigoureuſe au milieu des Maladies. Des Idées auſſi fauſſe, & que la Vanité ſeule peut occaſionner, ont été tournées en ridicule par pluſieurs Perſonnes remplies de Bon-Sens, qui ne pouvoient gouter ces Imaginations giganteſques, & croire qu’un