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régloit point ſur le Gout du Peuple[1]. Horace, & avec lui bien des Grands-Hommes, ont affecté de mépriſer le Sentiment du Vulgaire[2]. Il ſemble n’être fait que pour être nourri de Chimeres & de Menſonges, dont la Tradition eſt une Source féconde. Son Aveuglement eſt d’autant plus fort, qu’il paroit haïr la Raiſon, & craindre d’être éclairé. Auſſi Cicéron dit-il, que la Philoſophie ſe contente de peu de Juges, qu’elle hait le Vulgaire, & qu’elle en eſt haïe & regardée comme ſuſpecte ennemie : ajoutant, que ceux qui la condamnent, & la mépriſent, s’attirent l’approbation de la Multitude[3].

Si cet illuſtre Romain avoit été de notre Tems, il eut aiſément apperçu, que le Vulgaire & le bas Peuple n’étoit

  1. Ego enim, non Populum advocare, ſed certos electosque, ſoleo, quos intuear, quibus credam, quos denique & tanquam ſingulos obſervem, & tanquam non ſingulos timeam. Pline. Epiſt. XVII Libri VII, pag. 428.
  2. Non ego ventoſæ Plebis Suffragia venor. Horat. Epiſt. XIX Libri I.
  3. Est enim Philoſophia paucis contenta Judicitïbus ; Multitudinem conſultò ipſa fugiens, eique ipſi & ſuſpecta & inviſa, ut vel ſi quis univerſam velit vjtuperare, ſecundo id Populo peſſit facere Cicer. Tuſcul. II fol. 254.