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des Païs ſur la prétendue Papeſſe Jeanne. Telle eſt enfin l’Idée où ſont les ſimples Vénitiens, qui croient fermement être les Deſcendans des anciens Troïens. Chaque Nation, chaque Province, chaque Ville, a ſon Hiſtoire fabuleuſe, fondée ſur l’Autorité de la Tradition. On peut même étendre cela à toutes les Familles un peu diſtinguées. Elles tirent toutes leur Origine d’un Héros imaginaire, ou duquel elles ne ſont jamais deſcendues. Si les Hiſtoriens étoient plus attentifs qu’ils ne le ſont à la Défenſe de la Vérité, ils s’oppoſeroient fortement à toutes ces Fables. Mais, pour un, qui demasque l’Erreur & le Menſonge, il en eſt vingt, qui ſuivent le Torrent, & ſe conforment aux Opinions populaires ; ce qui leur donne une nouvelle Force & les autoriſe dans la ſuite des Tems. Mais, quelle que ſoit la Foibleſſe de certains Ecrivains, elle ne doit point déterminer notre Conduite, ni nous rendre vénérables les Sentimens du Peuple, qui n’ont d’autre Fondement qu’une longue Suite d’Erreurs. On court riſque de s’égarer, en ſuivant d’auſſi mauvais Guides. Pline le Jeune dit, qu’il ne conſultois qu’un Nombre de Gens choiſis, & qu’il ne ſe