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de têtes sans cou, vivant cependant et pouvant se mouvoir, de Bœufs à tête humaine, d’hommes à tête de Bœuf, d’animaux à deux têtes, d’autres à deux poitrines, et en résumé la supposition de ces êtres fantastiques ne reposait-elle pas sur un essai de paléontologie incomplet ? Aristote, dans sa Physique (liv. II, ch. iv), dit très-clairement que, selon Empédocle, la formation des diverses parties du corps des animaux à l’origine du monde est due au hasard (ἀπὸ τυχῆς). Maintenant cette croyance au fatalisme, qui règne dans toute la philosophie du poëte naturaliste, ne résulterait-elle pas elle-même d’une fausse interprétation des corps fossiles souvent incomplets, brisés, et dont les fragments se trouvent épars dans la terre ? C’est au moins fort probable. En effet Jean Philopone, le commentateur d’Aristote, dans le passage relatif à la formation première des animaux, dit qu’Empédocle admet que ceux-ci doivent leur origine à ces membres du corps qui ont existé anciennement comme des êtres organisés complets, indépendants, et qui se sont accumulés dans la terre (ἐν τῇ γῇ) lorsque le principe chaotique a commencé à succéder au principe cosmique (ἐπὶ τῇ ἡττῃ μὲν τῆς φιλότητος, ἐπικρατείᾳ δὲ τοῦ νείκους). Ces mots : συναθροισθῆναι ἐν τῇ γῇ, qu’ils se sont accumulés dans la terre, prouvent assez qu’Empédocle a vraiment eu l’idée de phénomènes géologiques et paléontologiques. Celui qui déjà avait su distinguer le vrai caractère des roches cristallines, comme nous l’assure Plutarque, qui avait eu la pensée du soulèvement du sol pour se rendre compte de certains phénomènes, pouvait bien avoir aussi observé les débris de corps organisés dans les couches sédimentaires.

Suivant Censorinus (de Die natali, IV), Parménide aurait avancé une hypothèse semblable sur le principe de la vie animale ; mais les détails à cet égard font complètement défaut. À vrai dire, ce que nous savons sur celle d’Empédocle est aussi bien peu de chose. Suivant cette dernière, les plantes auraient apparu à la surface de la terre avant les animaux[1]. Il y aurait

  1. Placita, V, 26 ; pseudo-Galène, Hist. philos., c. xxxviii.