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fleuve ne monte pas de seize coudées, ou au moins de quinze, il ne se répand point sur les terres. Si ce pays continue à s’élever dans la même proportion, et à recevoir de nouveaux accroissements, comme il a fait par le passé, le Nil ne le couvrant plus de ses eaux, il me semble que les Égyptiens qui sont au-dessous du lac Mœris, ceux qui habitent les autres contrées, et surtout ce qu’on appelle le Delta, ne cesseront d’éprouver dans la suite le même sort dont ils prétendent que les Grecs sont un jour menacés ; car, ayant appris que toute la Grèce est arrosée par les pluies, et non par les inondations des rivières, comme leur pays, ils dirent que si les Grecs étaient un jour frustrés de leurs espérances, ils courraient risque de périr misérablement de faim. Ils voulaient faire entendre par là que si, au lieu de pleuvoir en Grèce, il survenait une sécheresse, ils mourraient de faim, parce qu’ils n’ont d’autre ressource que l’eau du ciel.

« XIV. Cette réflexion des Égyptiens sur les Grecs est juste ; mais voyons maintenant à quelles extrémités ils peuvent se trouver réduits eux-mêmes. S’il arrivait, comme je l’ai dit précédemment, que le pays situé au-dessous de Memphis, qui est celui qui prend des accroissements, vînt à s’élever. proportionnellement à ce qu’il a fait par le passé, ne faudrait-il pas que les Égyptiens qui l’habitent éprouvassent les horreurs de la famine, puisqu’il ne pleut point en leur pays, et que le fleuve ne pourrait plus se répandre sur leurs terres ? Mais il n’y a personne maintenant dans le reste de l’Égypte, ni même dans le monde, qui recueille les grains avec moins de sueur et de travail. Ils ne sont point obligés de tracer avec la charrue de pénibles sillons, de briser les mottes, et de donner à leurs terres les autres façons que leur donnent le reste des hommes ; mais lorsque le fleuve a arrosé de lui-même les campagnes, et que les eaux se sont retirées, alors chacun y lâche des pourceaux, et ensemence ensuite son champ. Lorsqu’il est ensemencé, on y conduit des bœufs ; et, après que ces animaux ont enfoncé le grain on le foulant aux pieds, on attend tranquillement le temps de la moisson.