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à une autre. Ainsi, quand on voit des îles comme Juan-Fernandez et Sainte-Hélène, peuplées essentiellement de deux catégories de formes, les unes très-anciennes dans le monde (les fougères), les autres récentes (les composées et les campanulacées), presque sans intermédiaires, On se demande si la création des formes végétales aurait été suspendue longtemps dans ces îles, et si les composées auraient paru dans ces régions distantes, comme en Europe, au moment de l’époque tertiaires, par une cause générale et non locale[1].

  1. (a) La flore des îles éloignées des continents, dit M. R. A. Philippi, offre ce caractère particulier d’être pauvre en espèces et d’en posséder un certain nombre qui lui sont propres. Cette circonstance est une preuve que l’on peut invoquer à l’appui des centres de création distincts. Les flores primitives des iles très-écartées n’ont pu, en effet, s’étendre d’aucun côté pour s’y propager ni recevoir d’accroissement du dehors.

    La flore de l’île de Juan-Fernandez, située à 150 lieues à l’ouest de la côte du Chili, ile volcanique dont l’altitude maximum atteint environ 1000 mètres, en offre un exemple frappant. Les 137 espèces de plantes vasculaires qu’elle possède sont réparties dans 43 familles, ce qui donne en moyenne 3 espèces par famille. La flore correspondante du Chili comprend 3000 espèces, appartenant à 130 familles ou 23 espèces en moyenne. Les fougères de Juan-Fernandez, au nombre de 36, forment les 26,3 0/0 du total de sa flore, les synanthérées 13 ou 16 0/0, et 10 espèces de graminées 7 0/0. Au Chili les fougères ne forment que 3,5 0/0 au lieu de 26, les synanthérées 21 0/0, les graminées 8,5 0/0, les légumineuses 7,5 0/0. Ces dernières ne présentent qu’une espèce à Juan-Gernandez, et en outre beaucoup de familles du Chili manquent dans cette ile.

    La prédominance des fougères sur les autres plantes est, comme on l’a dit, un caractère commun à toutes les îles de l’Océanie et qui justifie bien l’opinion que nous avons sur l’état de la surface de la terre à l’époque houillère.

    81 espèces de Juan-Fernandez ou plus de la moitié du total n’existent pas sur le continent le plus voisin et sont propres à cette ile. 6 de ces espèces qui manquent au Chili se retrouvent : 1 la Nouvelle-Zélande, 1 au Pérou, 1 en Europe (Anthoxatum odoratum), 1 aux Indes orientales avec 2 fougères.

    La proportion des arbres et des arbrisseaux y est très-considérable ; il y en a 50 espèces ou 56 0/0 du total. Des labiées et des ombellifères arborescentes augmentent l’étrangeté de cette flore, et, ce qui est plus extraordinaire encore, ce sont des chicoracées en arbre (Rea) et des Gunnera aussi arborescentes.

    Enfin, l’ancienne existence du bois de santal, que l’on trouve partout à l’état de bois mort sans qu’il y ait nulle part aucun pied vivant, est encore une particularité botanique de cette ile.

    (a) Ann. des sc. naturelles, 4e série, vol. VII, p. 87 ; 1837.